Djibril KOURA

Le 29 octobre 2020, Dieu t’a brutalement arraché à notre affection en te rappelant
dans son Royaume céleste.

Historique de notre connaissance

Ma première rencontre avec toi au Burkina Faso, remonte à septembre 1990 lors de la préparation du premier atelier Diobass. A cette époque, je travaillais pour la cellule « Agroforesterie » de la Fédération des Unions des Groupements Naam à Ouahigouya. La dextérité de ta coanimation de la session avec Feu Pierre Jaccolin de ENDA-GRAAF m’avait sérieusement impressionnée.

Sous ton impulsion et ton leadership, les Plate-formes Diobass du Kivu en République Démocratique du Congo et au Burkina Faso ont été mises en place et sont devenues des Associations paysannes officiellement reconnues. Elles ont initié, développé et font la promotion de la recherche-action paysanne qui est devenue aujourd’hui un outil de développement par excellence des Organisations Paysannes dans ces deux pays et ailleurs.

L’écriture du programme de développement en langue « mooré » qui a été financé par Broederlijk Delen

Dans l’objectif de permettre une meilleure compréhension et appropriation du programme de développement local des Unions des Groupements Naam de Gourcy et de Koumbri, nous avons accompagné les responsables et les animateurs de ces OP dans l’écriture de leurs documents en langue nationale (mooré).

Cette démarche a étonné bon nombre de cadres et techniciens d’alors de la Fédération des Groupements Naam qui s’attendaient à un document écrit en français. Elle démontre sans doute ta conviction dans les capacités des OP à élaborer et gérer leurs propres programmes de développement.

Tu as démontré et m’as convaincu que les paysans/OP sont capables de plusieurs choses, pour peu qu’ils soient bien organisés et accompagnés.

En matière d’accompagnement des OP pour leur autopromotion, tu as été et resteras ma source d’inspiration, mon repère et un modèle pour moi.

Ma consolation est que tu as su développer la démarche Diobass au Burkina Faso et au Kivu en République Démocratique du Congo où elle s’est bien enracinée au sein de nombre d’OP. Cela va perpétuer cette méthodologie et rendre ainsi vivace ton souvenir en nous et auprès des OP.

Ta production d’ouvrages/livres/documents sur l’agriculture tropicale africaine

Ton parcours professionnel auprès des OP en Afrique, t’a permis d’écrire plusieurs documents sur l’agriculture africaine tropicale. Ces ouvrages constituent une mine d’or que tu laisses à jamais aux techniciens d’agriculture, du développement rural et aux OP dans l’amélioration de leurs pratiques agricoles.

Ta conviction profonde dans les savoir-faire, savoirs locaux, les connaissances paysannes et dans les capacités des OP à promouvoir l’agriculture familiale, a impulsé l’initiation et le développement d’une recherche-action paysanne au Burkina Faso, dans la sous-région ouest africaine et en Afrique Centrale, notamment en République Démocratique du Congo (RDC).

Cette recherche-action a permis la mise au point des centaines d’innovations paysannes au Burkina Faso et RDC (produits, techniques, technologies) dans le domaine de l’élevage, agriculture, santé humaine, environnement, activités génératrices de revenus, etc. Elle a également permis l’apparition/éclosion des « experts paysans » au sein des OP, qui partagent leurs savoirs, savoir-faire avec les autres paysans à travers des formations dites « formations par les pairs », des visites d’échange et des ateliers Diobass.

Mon cher Hugues, ton engagement et ta foi pour la cause du paysan africain et l’agriculture familiale comme le témoignent tes différents livres/ouvrages (livres, carnets écologiques, etc.), sont à saluer et à vulgariser. Tu as œuvré à la promotion de l’agriculture africaine, la recherche paysanne.

Ces livres et carnets écologiques que tu laisses derrière toi contribueront à maintenir ton souvenir dans la mémoire des OP, de tes amis engagés pour la promotion de l’agriculture paysanne et des partisans ou adeptes de la Recherche-Action Paysanne.

Tu étais un exemple pour moi dans la promotion du monde rural en général et particulièrement du paysan africain. Ce repère a disparu, mais je continuerai sur le chemin que tu as tracé et montré pour la lutte dans la promotion du monde rural.

Tu as fait de ta vie un combat pour la conquête des institutions étatiques afin qu’elles s’adaptent davantage à la réalité du monde paysan et aux besoins réels des paysans et producteurs agro-sylvo-pastoraux.

Je garderai de toi tes qualités suivantes : marcheur infatigable sur les terroirs villageois lors de nos ateliers Diobass m’a beaucoup inspiré. On t’a ainsi affectueusement surnommé le « Vieux infatigable » car tu étais toujours prêt à marcher et à emmener les participants à aller observer des « maquettes de Dieu » pour découvrir et observer (la réalité, la concrétude) des éléments faisant objet de recherche/d’étude ou d’approfondissement de recherche.

Aussi ta persévérance dans l’application effective des principes Diobass, sans oublier ton attachement à l’amitié.

Tu aimais à nous dire, « ne soyez pas des ingénieurs nus sur le terrain », d’où ton canif toujours dans la poche te permettant de creuser le sol pour montrer aux paysans et techniciens comment vit le sol, de repérer des insectes nuisibles dans les cultures ou arbres. Avec ton appareil photo dont tu ne te séparais jamais, tu prenais des photos des sites, des plantes, des insectes pour l’illustration des livres que tu écrivais sur l’agriculture africaine.

Avec ton chapeau pour te protéger du soleil ardent, tu sillonnais les terroirs villageois lors des ateliers Diobass. Lors des ateliers Diobass, tu te promenais toujours sur les terroirs villageois à la recherche des « Maquettes de Dieu » (en grandeur nature) afin d’y inviter les participants à venir observer concrètement tel ou tel aspect de recherche ou de réflexion.

Je n’ai jamais cru que tu nous quitterais ainsi soudainement. Comment oublier l’ami fidèle et généreux, le collègue apprécié, le père attentionné, que tu as toujours été ? Impossible. Ta mémoire sera toujours gravée dans nos cœurs. Et pour mieux surmonter ton absence, nous n’aurons qu’à nous souvenir de ton rire, de ta bonne humeur, de ta bonté et de ton éternel optimisme.

Tu m’as conseillé et fait de ton mieux pour nous enseigner mes autres collègues et moi l’importance des connaissances paysannes dans l’agriculture paysanne dans le développement de l’agroécologie.

Ta détermination d’aller toujours de l’avant (principe « d’approfondir la recherche, la réflexion) restera à jamais dans ma vie.

Tu nous laisses un souvenir que personne ne pourra voler, un trésor immense constitué de la pédagogie « Diobass » de tes livres et carnets écologiques, qui va résister durablement au temps. Par la mort, la famille ne se détruit pas, elle se transforme, une part d’elle va dans l’invisible.

Tu pars avant nous, bien trop tôt, bien trop vite… Et ta disparition nous rappelle comme une évidence que nous sommes finalement bien peu de choses et qu’il faut profiter de chaque minute, de chaque seconde ici-bas…

Adieu mon cher Hugues. Que le Seigneur Tout-Puissant accorde à ton âme le repos
dans son Royaume Céleste !

Djibril KOURA